Voilà, petit blog, c’est le moment de dire au revoir.
J’avais la rétine éblouie par les les tâches de couleur du soleil d’été quand tu es né, j’ai mis beaucoup de moi en toi. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui il faut passer à autre chose.
C’est un peu la fin d’une période, mais cela continue ailleurs. J’ai adoré vous lire et partager tous ces mots et toutes ces photos avec vous, et j’espère bien que vous me suivrez ! Demandez-moi l’adresse si vous la souhaitez (vous pouvez laisser votre mail dans les commentaires, je les supprimerai).
» – 2015 se termine, vous avez quelque chose à dire ?
– 2015, année de merde, on ne m’y reprendra plus !
– Oui euh, mais on peut pas diffuser ça, vous ne pouvez pas dire autre chose ?
– Ah si, j’ai un message à faire passer à quelqu’un… »
A toi qui a ouvert l’oeil le premier jour de 2015 dans une chambre d’enfants rose encombrée de jouets, mais souriante parce que tu avais confiance en l’avenir, tu ne pouvais pas deviner ce qui t’attendait, même si une sorte de tristesse sourde t’avait envahie le soir du 31, comme un signe annonciateur.
Non tu ne pouvais pas savoir que quelque chose basculerait quand ta directrice te dirait « il vient d’y avoir un attentat à Charlie juste à côté, le quartier est bouclé » et qu’il faudrait expliquer cela à tes élèves le lendemain
Tu ne savais pas, mais tu te doutais fortement quand même de la difficulté du concours, mais en tout cas tu ne te doutais pas du tout que ce ne serait pas si grave en voyant tes élèves te quitter avec des mots plein les yeux, les crayons et le coeur
Tu ne savais pas que tu aurais peur un jour de rentrer chez toi, au point de rester dormir sur le canapé de ton ami F., peur de prendre le métro, de marcher dans la rue, de réentendre les sirènes jour et nuit dans Paris
Tu ne savais pas qu’il y aurait autant d’incompréhension et de douleur à vivre, et que ce ne serait que le début
Tu ne savais pas que tu devrais expliquer l’inexplicable, recommencer à peine 10 mois plus tard et que tu n’aurais rien à dire
Tu ne savais pas à quel point tout peut basculer rapidement et que tu peux passer en à peine un jour de toutes les certitudes du monde à un sol mouvant
Tu ne savais pas que les clichés des films, crier, jeter des objets par terre, pleurer effondrée par terre, ils existent parce que dans la réalité, tu peux réellement agir comme cela. Oui, même toi, qui te pensais si calme.
Tu ne pensais pas que tu pourrais pleurer en entendant une chanson, même après, même quand tu te retournes et que tu vois le chemin que tu as parcouru en quelques mois, et puis elle n’est pas si triste que ça, cette chanson, mais il y a la voix du chanteur qui dit la place Clichy sous la pluie, les noms des rues, chez toi, la tienne, et oui, c’était chez toi, et c’est un petit bout de toi qui t’a été arraché et que tu ne pourras pas récupérer.
Tu n’avais aucune idée, non, à quel point cela pouvait faire mal, et que ça mettrait du temps à cicatriser.
Et en même temps.
Je ne savais pas à quel point cela semblerait naturel de faire grandir et évoluer 25 enfants, et à quel point je serais émue de devoir les laisser partir
Je n’avais aucune idée de la force qui était en moi, et qui me permettrait de garder la tête hors de l’eau, oh certes en trébuchant par moments, mais tout de même
Je ne me doutais pas que c’est dans l’adversité que l’on apprend le plus de choses sur soi et sur ses valeurs ; que paradoxalement, le rejet peut apporter la confiance en soi et renforcer nos certitudes sur ce que nous valons
Je ne pensais pas que je pourrais garder de bons souvenirs de certains moments, qu’ils seraient à jamais entâchés, et pourtant. Il restera les sourires radieux, le soleil qui éblouit sur les longues routes canadiennes, le gout du homard grillé, la fraicheur de l’eau d’un lac en pleine forêt, les feux d’artifice et les cabanes dans les bois, la chaleur des bras des amies qui ne te lâchent pas quand tu vacilles.
Je me doutais, mais ça fait quand même un choc quand cela arrive, de voir que les amis sont là quand il le faut, avec le chocolat, les bières et les bras grands ouverts, la langue bien pendue pour déverser des torrents de malédictions quand tu racontes, les petites attentions comme du thé à la noix de coco et du chocolat offerts parce que certaines situations d’urgence l’exigent
Je ne savais pas que cette situation me permettrait de vivre des instants improbables, comme de me démaquiller, de me coucher, et puis 5mn plus tard me rhabiller, me remaquiller et sortir sur un coup de tête, de croiser des amis d’amis par hasard à Bastille à 3h du matin un samedi, de parcourir Paris à pied avec quelqu’un que j’avais perdu de vue jusqu’à ce que le soleil se lève, de recevoir des textos plus qu’incompréhensibles et faire appel à la brigade du décryptage de messages obscurs (la BDMO), de faire des rencontres par des hasards plus qu’incroyables, de partir en week end à la mer sur un coup de tête (et d’ailleurs je raconte ça dans les billets protégés qui vont suivre, n’hésitez pas à me demander le mot de passe)
Je ne savais pas qu’il y aurait la lumière, toujours là, comme sur cette photo qui reste une de mes préférées de cette année. Malgré tout.
Je ne savais pas tout ça, mais si j’allais dans cette chambre rose, et que je revoyais cette fille qui avait un an de moins, et pourtant ça parait si proche et si loin à la fois, je lui dirais « Méfie-toi de 2015, elle a pas l’air comme ça, mais elle va t’en faire voir. Mais tu sais, ça ira. Et qui sait, plus tard,avec le recul tu te rendras compte que cette année t’a peut-être bien plus appris et apporté que nombre d’autres ».
Voilà. En 2015, il y a aussi eu d’innombrables repas-recettes pris en photo ou pas, des tas d’épisodes de Gilmore Girls, de beaux voyages (je reste amoureuse de Venise et du Canada), une utilisation beaucoup trop importante d’Instagram, des tas de pique-niques avec les amis, les muscles du bras gauche qui faisaient mal quand je reprenais le piano, mes premières photos exposées, des skypes avec A. en direct de Montréal jusqu’à des heures indécentes (pour moi), des séances thé au jasmin – discussions à base de qu’est-ce qu’on attend pour être heureux le soir avec Coloc, le besoin impérieux de photographier, encore et toujours plus, Tchaikovski écouté en boucle, des litres d’encre rouge pour corriger, beaucoup trop de télé réalité (voilà quelque chose qui ne me manque pas), un nouvel objectif cadeau de fin d’année, de belles expos, des concerts, et surtout celui mon cher Sufjan Stevens, des films (pas assez), des livres (pas assez non plus), le bienfait fou qu’apporte l’écriture, libérée délivrée entonnée un nombre (trop) important de fois, un certain nombre de couchers de soleil et d’arcs-en-ciel sur Paris, et puis vous aussi, qui avez pris le temps de lire régulièrement tous mes bavardages qui s’éternisent. Merci, merci pour vos mots qui ont contribué à mes bonheurs de 2015.
Au final, ce qu’il en reste, ce que je veux en retenir ce sont les personnes qui nous entourent, et leur amour, des cris dans la nuit, des fous rires, les sourires des inconnus dans la rue, la chaleur humaine, et c’est tout ce qui compte.
Qu’elles sont belles, L. et M., dans la pénombre d’une chaude nuit d’été sur les quais, non ?
2016, je ne sais pas ce qu’elle sera, ce sera la surprise. C’est bien les surprises.
Ce que je sais déjà, c’est que je vais surement déménager ce blog. J’ai envie de renouveau, de pouvoir refermer un chapitre.
Hier, j’ai entendu une chanson d’Oasis, et ça m’a rappelé ce soir de juillet, quand Noel Gallagher était venu donner un concert à Paris. Je ne me doutais pas que j’étais si proche du bord de la falaise, qu’à peine un mois plus tard je viendrais habiter à quelques pas de l’endroit où nous avons crié, applaudi et repris tous en chœur ce fameux refrain, un refrain qui me trotte dans la tête depuis, et qui offre une belle conclusion pour ce bilan-bordel
And so Sally can wait,
She knows it’s too late as we’re walking on by
Her soul slides away,
But don’t look back in anger
I heard you say
Belle année les chatons
Je vous souhaite que 2016 soit remplie de lumière, de chansons chantées à tue tête, de nuits parfois trop courtes parce que vous dévorez un livre, d’amour, de douceur, mais aussi de mouvement, car il faut reconnaitre que c’est lorsque la vie nous agite un peu que l’on s’aperçoit à quel point nous sommes vivants.
Que 2016 vous apporte tout ce que vous souhaitez, et puis bien plus encore.
Le défi photo de la semaine dans le challenge Il était trois fois Noël… Lumière. Ah, voilà un sujet épineux ! Car la lumière, c’est ce qui définit la photo. Sans lumière, pas de photos…
J’ai eu beaucoup de mal à choisir… J’avais beaucoup trop de photos qui rentraient dans la catégorie ! Et encore à Disney où j’en ai pris des tonnes !
Ce que j’adore à Noël, c’est faire des photos de bokeh. Le bokeh consiste à avoir un arrière-plan flou et composé de jolies couleurs dans la photo… Ce qui est top avec les lumières de Noël, c’est que ça fait des ronds de couleur qui sont super beaux. Pour que ça fonctionne, il faut un objet / une personne proche de l’appareil au premier plan.
Depuis que j’ai mon objectif à focale fixe (le type d’objectif idéal pour ces photos), je m’amuse beaucoup à en faire chaque année !
Même si on reste abasourdis, même s’il y a encore la peur au ventre, au moindre bruit, un rideau de fer qui claque, une voiture qui passe un peu trop vite, les ambulances, même si on prend le métro à reculons, même si on éprouve encore le besoin quand on se voit de se raconter, où j’étais, je connais un gars qui… même si les larmes sont encore là, au coin de l’oeil, prêtes à ressurgir au moindre moment, même si on ne veut pas, on n’arrive pas à travailler. Même si on oublie quelques instants, parfois même pendant une heure, mais que revient le moment où ça frappe en plein coeur, et on se demande toujours si c’est un cauchemar éveillé.
Même si tout ça, il y a le reste…
Il y a ces petites lumières virevoltantes qui brillent quoiqu’il arrive sur cette place, matin et soir quand je prends le métro pour aller à l’école, et ceux qui sont là pour se recueillir, comme autant de promesses qu’on n’oublie pas ceux qui sont morts, et qui gonflent mon coeur de peine
Il y a ces mots qui ont résonné en moi, de lui, lui que j’essaie de rayer de ma vie, et puis finalement « je suis content que tu ailles bien ». Cela ne change pas grand chose, mais en recevant ses messages affolés vendredi car je ne répondais pas, je me suis dit que dans cette histoire, ma colère et ma haine sont parties sans faire de bruit. Pourquoi s’attarder sur ces sentiments qui n’apportent rien, rien que de la douleur. La tristesse est encore là, maintenant peut-être plus forte, parce que ces tristes événements ravivent un peu les plaies passées, mais cela finira bien par s’apaiser et passer.
Il y a une soirée douce, des bougies, des gateaux au chocolat, des plaids et surtout des amis, et cela faisait si longtemps qu’un samedi soir n’avait pas été si doudou
Il y a cette femme qui rit aux éclats place de la République quand tu rentres chez toi, c’est si beau, ce rire cristallin, et tu comprends pourquoi St Exupéry parlait de grelots car oui, on dirait bien des grelots qui retombent en cascade sur nos cœurs meurtris quand un fou rire résonne dans la nuit noire
Il y a vendredi soir, une semaine plus tard, et dans ma petite rue piétonne, les canapés des bars sont sortis comme d’habitude, et passer entre les gens affalés avec leur verre à la main, comme ils l’ont toujours fait, ne m’a jamais été si doux, et en même temps si douloureux
Surtout, Il y a le soleil qui revient, qui chantonne « viens te balader dans Paris comme tu aimes tant le faire, car elle est née pour ça, pour t’ouvrir ses bras, pour que tu te loves dans ses méandres dans les rayons du soleil couchant »
Il y a la lune qui te fait signe, « viens parcourir Paris », car elle est née pour ça, pour que la traverses à l’arrière d’un deux-roues, le vent glace les joues, mais fait aussi respirer plus fort, quand tu te serres contre son manteau en laine pour te réchauffer, et que tu salues du bout des lèvres et de tes doigts engourdis l’Opéra, la Concorde, Notre Dame tous illuminés et qui semblent répondre à ton sourire, car ils savent que les mots d’amour dits à ce moment, même s’ils sont emportés dans la Seine noire et miroitante ont une saveur incomparable, une saveur irremplaçable.
Il y a Paris, qui est toujours si belle, il y a les regards des gens, ces airs bravaches quand ils disent « Je suis en terrasse », les mots qui coulent à flots de partout, et leurs sourires, meurtris, oui, mais ce sont tout de même des sourires, il y a la Tour Eiffel revêtue de son habit de fête, et puis pourquoi on n’y avait jamais pensé avant, de l’habiller de la sorte ? Il y a les gens qui achètent Paris est une fête, et j’espère qu’ils liront Hemingway, il y a le saucisson, et le chocolat, parce que manger est la première des consolations, il y a ces mots en latin, qu’on aime à répéter, elle tangue, oui, elle vacille, peut-être, mais non, elle ne coule pas. Il y a aussi et surtout les je t’aime, parce que c’est tout ce qui compte.
Il y a les dessins d’enfants, et Louis qui m’explique que ça, c’est une bombe atomique, mais elle ne tombe pas dans le jardin, parce que l’arc-en-ciel le protège, et à ce moment-là, même si tu ne sais pas de quoi demain sera fait, même si tu as peur de voir ces enfants grandir dans un monde pareil, il y a ce dessin que tu vas accrocher dans la classe parce qu’il contient ce qu’il y a de plus précieux sur terre, que tu vas accrocher et regarder quand tu leur diras, les valeurs, la liberté chérie, la fraternité sacrée, l’amour pour cette ville et ce pays qui sont les leurs, l’importance qu’ils joueront pour les conserver car elles sont si fragiles et si précieuses, tu le contempleras, ce dessin, quand tu leur diras, que ce sera à eux de jouer ce rôle, de réussir là où nous échouons et échouerons peut-être.
Tu le regarderas, ce dessin, et tu te répéteras que oui, il y a de l’espoir.
Hier, j’ai passé une journée difficile. Je peinais à faire travailler mes élèves, surexcités. Je me suis arraché les cheveux pour leur faire comprendre les tables d’additions, et quand j’ai lancé une fiche que j’avais mis 30mn à faire sur l’ordinateur pour que ce soit plus sympa, plus coloré pour eux, l’un de mes élèves a dit « Pfff c’est nul. » Ca m’a désespérée et j’ai failli me mettre à pleurer. Après 16h30, rien ne marchait, l’imprimante, le scanner, la photocopieuse. J’ai craqué, je pleurais, en me disant que je n’y arrivais pas, que mes élèves ne sauraient jamais lire ou compter d’ici la fin de l’année.
Puis je me suis dit que j’allais me changer les idées, j’avais un rendez-vous avec un ami. Nous avons bu un cocktail et mangé du chorizo, en choisissant le film prévu pour notre séance cinéma de dimanche. On s’est vus rapidement, il devait filer au stade de France, il m’a dit que c’était la première fois qu’il allait voir un match, puis qu’il irait faire la fête avec ses amis venus le voir de loin.
Puis je suis rentrée chez moi, par République, et je suis ressortie avec un ami un peu plus tard. Nous avons marché dans les rues, riant, erré longtemps avant de trouver un bar. J’aime tant marcher dans le quartier, c’était agréable.
Vers 22h30, mon coloc m’a appelée pour savoir si j’étais à la maison. Je m’étais trompée et avais pris ses clés le matin, je pensais qu’il voulait les récupérer. Le bar était bruyant, je sirotais mon mojito en collant mon oreille contre le téléphone pour bien l’entendre. Quand je lui ai dit que j’étais dehors et que je n’étais pas rentrée, il m’a répondu « ne rentre pas alors, il y a des fusillades autour de chez nous ».
« Pardon ? »
Qui pourrait croire en France qu’il entendrait un jour cette phrase ?
Ce n’était pas possible, autour de moi, les gens continuaient de boire, rire, faire des selfies et refaire le monde. Le match diffusé sur un écran continuait de tourner comme si de rien n’était. J’ai emprunté le portable d’une personne a coté pour regarder internet, avant de voir les premières informations. Plusieurs attaques dans le 10e et le 11e, pas loin de chez moi. Le stade de France. Prise d’otages au Bataclan. Ca n’avait aucun sens.
J’ai appelé, ma maman d’abord, pour la rassurer. Puis un ami qui vit juste à côté d’où j’étais pour pouvoir aller chez lui plutôt que de me balader dans les rues. Autour, les gens continuaient de parler et rire. Sauf la table de derrière qui nous avait entendus parler et regardaient à leur tour les infos. Puis les serveurs ont basculé la télé sur la chaine d’informations. Soudain, tout le monde avait le nez rivé sur son téléphone. Les appels ont commencé à pleuvoir, les gens qui me demandaient si j’allais bien car le mot république était partout aux informations et c’est aussi ce mot là que je prononce quand on me demande où j’habite. Le père de mon ami qui est plus que bien placé pour savoir en avant première ce qui se passait lui a dit de surtout rester où il était.
Je dis qu’on va partir, je rappelle mon ami qui vit aux halles. Il me dit que des rumeurs sur europe 1 parlent de fusillades actuellement dans le quartier des halles. On fait quoi ? On reste à l’abri dans le bar ? On s’en va ? C’est à peine à 5mn, alors on y va et sans trainer. Les rues sont désertes, tout est si calme. Même si je suis accompagnée, j’ai peur.
Je pousse un soupir de soulagement quand on rentre dans l’immeuble de mon ami. Sa télé est branchée sur les infos, on suit, on répond aux appels, on envoie des textos. Mon portable n’a plus de batterie avant que j’ai pu rappeler mon ami qui est au stade. Ouf, au moins ma maman est au courant que je vais bien et il y a facebook. On regarde les infos, hébétés. Vers 1h, on parle d’une centaine de morts au bataclan… Pendant ce temps, on reste en contact avec les autres, des gens manquent à l’appel, on fouille sur facebook pour trouver les profils des frères, soeurs, copains pour les contacter. Une amie m’apprend que son amoureux était au Bataclan, qu’il s’est enfui pendant une accalmie. Elle lui avait fait la tête avant parce qu’il ne lui avait pas pris de place pour le concert. C’est inimaginable.
Régulièrement, les journalistes disent l’heure, on ne voit pas passer le temps. « Il est 4h du matin, nuit d’horreur à Paris… ». Je finis par m’assoupir plusieurs fois. Chaque fois que je me réveille, je mets plusieurs secondes à me rappeler de ce qui vient de se passer.
Le matin, les cloches de l’église à côté me réveillent, on dirait un hommage funèbre
Nous sommes sonnés, et quelques personnes manquent toujours à l’appel. Moi, je n’ai toujours pas mon téléphone, je pense à ceux qui essaient sans doute de m’appeler. Je me demande toujours si je dois rentrer, mais bon, je ne vais pas rester à attendre là toute la journée. Nous sortons acheter un pain au chocolat, il y a des gens qui font leurs courses, la vie continue. Par contre, quand je rentre, les restaurants sont vides. Je traverse le forum des halles, toujours noir de monde. Le lieu déserté avec ses illuminations et sapins de Noël installés semble irréel, toutes ces décorations sont si déplacées.
Dans le métro, les gens ont tous une mine grave. J’essaie de ne pas penser qu’on n’est en sécurité nulle part, que ça pourrait recommencer, là où je suis. Au supermarché, la vie continue, je fais quelques courses, ça fait un bien fou que ma seule préoccupation soit de choisir entre les yaourts à la fraise et ceux à l’ananas. Je rentre, le quartier est extrêmement calme.
Mon portable branché, je vais aux nouvelles. Les sms pleuvent littéralement pendant que je rappelle mes parents. Il faut du temps pour rassurer tous ceux dont je n’ai pas reçu les messages hier, recontacter les autres. Une amie qui dormait à poings fermés cette nuit et qui vit pile dans le quartier touché répond enfin, ouf.
Puis l’ami qui m’a hébergée et qui s’est inquiété toute la nuit pour deux personnes qui étaient au Bataclan m’apprend qu’elles sont mortes. Je ne les connais pas, mais je les pleure. Je ne comprends toujours pas. Je suis seule dans l’appart, vide. J’étais censée faire du ménage parce que ce soir on fête l’anniversaire de l’amoureuse de mon coloc. Je ne peux rien faire, à part passer des sites d’infos aux réseaux sociaux, et recommencer. J’ai envie de prendre quelqu’un dans mes bras. J’ai envie d’aller voir des inconnus dans la rue et leur dire que je les aime, parce qu’ils sont comme ceux que j’aime, ou comme moi.
Il n’y a aucune différence entre tous ces gens qui profitaient d’un concert, d’un bon restaurant, d’un verre entre amis et vous et moi. Ils étaient juste au mauvais endroit au mauvais moment. Je vois tous ces visages rieurs, joyeux dans les avis de recherche. Une étrange pensée, dans ces circonstances, me traverse l’esprit : « tous ces gens sont tellement beaux ». J’ai le coeur en mille morceaux.
A Paris, on connait tous quelqu’un qui a perdu un proche ou qui a réchappé de peu à ces fous. En discutant avec mes amis, on a mille choses à dire, parler de celui qui a été sauvé parce que 5mn avant d’arriver au restaurant attaqué il s’était arrêté acheter des clopes, ou celle dont l’ami est au moment où nous parlons au bloc opératoire… Ce ne sont pas « seulement » quelques centaines de personnes qui ont été victimes de ces attaques, c’est toute la société, c’est toute l’humanité.
Cela, chaque parisien le ressent, car c’est devenu notre réalité. Cela peut paraitre loin lorsqu’on s’éloigne de la capitale, mais non, ce sont tous les êtres humains qui ont été agressés hier.
Cela me fait rire ce matin en lisant les informations qui annoncent qu’une voiture a été retrouvée à Montreuil, que des gens de Montreuil se demandent ce que faisaient les terroristes dans leur ville. Mais que faisaient-ils rue de Charonne, boulevard Voltaire, rue de la Fontaine au roi, rue Bichat ?? Que faisaient-ils chez nous ?? Pourquoi Paris aurait plus de raisons d’être la cible d’attaques ? Pourquoi n’importe quel endroit serait plus à même de justifier qu’on puisse tuer des innocents, supprimer ce qu’il y a de plus sacré sur terre, la vie ?
Ce matin (j’ai commencé à écrire hier après-midi ce billet qui est resté dans les brouillons), le soleil brille et l’appart sent le tabac froid. Des verres, des mégots, des coques de pistaches trainent un peu partout, avec le gateau au chocolat dont le glaçage a fondu. Nous avons décidé de maintenir la soirée d’anniversaire, pas tellement en se disant « nous sommes courageux et ils ne nous feront pas peur ! ». Non, juste parce que les personnes présentes hier avaient un besoin immense de tendresse, de chaleur humaine, de manger, boire, rire et danser un petit peu, juste pour se réconforter, se serrer fort et se dire qu’on s’aime.
Mais la peine est encore là.
Ce matin, nous sommes en deuil de 129 humains (et encore, ce n’est pas fini), et notre peine est immense.
Une pensée pour eux, pour leurs familles, leurs proches. Et puis pour nous tous, car nous avons été tous touchés. Serrons-nous fort et aimons-nous. Disons à ceux qui nous entourent, qu’on les aime, bordel, et puis au diable la pudeur.
Plus tard, quand la douleur sera un peu atténuée, nous pourrons profiter de la vie, aller crier dans la nuit étoilée qu’il y a tant de belles choses à vivre.
(un joli moment… Je trouve juste assez triste que les gens ne pensent qu’à filmer au lieu de profiter, de se prendre dans les bras)
(ce billet est publié avec tout ce qu’il comporte d’émotion, de choc, de réactions à vif. Je ne suis pas particulièrement à plaindre, je n’ai perdu personne dans mes proches directs, je n’ai pas vécu ces atrocités. Mon but n’est pas de m’apitoyer sur mon sort (au cas où cela pourrait être lu de cette manière), juste un besoin de ressortir tout ce qui déborde depuis vendredi soir. Je me dis que je ne fais que parler de moi, peut-être que c’est parce que si je pense trop à ceux qui ont eu moins de chance, l’émotion me submerge.)
La dualité entre la dureté et la beauté de la vie ne cesse de me fasciner…
Il y a tant de choses tristes, révoltantes qui arrivent chaque jour dans le monde, et autour de nous. Cette semaine, j’ai vu un ami craquer et c’était si douloureux d’entendre ce qui lui arrivait. Je me disais que finalement, j’avais eu beaucoup de chance dans ce qui m’était arrivé récemment, pensée qui aurait été inimaginable il y a quelques temps.
Et puis il y a des soirées, avec cette lumière incroyable, se promener dans les Tuileries et sur les quais, regarder le coucher de soleil sur un pont pendant qu’un musicien joue des balades romantiques. Oser demander à nouveau à un couple si je peux les prendre en photo.
Se promener jusque Shakespeare and company, juste parce que ça faisait trop longtemps que je n’y étais pas allée. Faire des projets en passant devant un petit restaurant.
Recevoir un message que je n’attendais plus et sourire
Revoir une personne perdue de vue pendant 2 ans, se dire qu’on va boire un verre deux heures, et finalement passer toute la nuit dans Paris, laisser la nuit nous porter et avoir l’impression qu’à nouveau, une amitié nait.
Ces derniers temps, ma vie est tellement remplie que les amis à qui je ne parle pas plus de plusieurs jours d’affilée se retrouvent perdus dans les méandres de mes péripéties. C’est assez fatigant, mais tellement agréable de se sentir vivant. Dans quelques années, il est probable que tous ces souvenirs me feront sourire…
Passez une belle semaine
Parce que mon week end est passé trop vite et que ce billet est resté dans les brouillons avec un simple titre, même pas le temps de rédiger quoique ce soit, alors que pourtant ce devait être rapide…
Comme c’est doux de ne pas voir le temps passer. J’ai dormi plus de 13h dans la nuit de vendredi, et ai ensuite profité du beau temps pour sortir marcher. Mon nouveau quartier me permet de faire de nombreux trajets à pied, et avec les belles journées ensoleillées d’automne, il n’y a rien qui me fait plus plaisir que de mettre mon casque sur les oreilles et de partir en balade.
(J’ai réentendu il y a quelques jours cette chanson de Noah and the whale, et je trouvais le titre tout à fait de circonstance…)
J’en ai profité pour faire quelques achats, une ceinture indispensable (les soucis m’ont fait fondre cet été, j’ai du mettre de côté certains pantalons qui étaient devenus trop grands !), et puis des chaussettes motif renard (on ne se refait pas) ainsi qu’une chemise à carreaux, parce qu’on n’a jamais trop de chemises à carreaux.
En sortant d’un magasin, je suis tombée sur un ami aux halles, et les parisiens savent que ce genre de coïncidence est quand même rare…
Une petite balade improvisée en sa compagnie, m’a fait penser au hasard. Il est partout dans nos vies, et parfois, je suis stupéfaite quand je vois où il peut nous conduire. Il suffit de tellement de hasards superposés pour que notre vie prenne une direction inattendue, cette semaine en fut la preuve.
Une journée qui se termine par quelques burgers avec des amis, et l’appart qui se transforme en piste de danse, puis se coucher tard, ou très tôt, c’est selon… Partager le petit déjeuner, ce qui change de la semaine où nous courons partout.
J’aime me rendormir en entendant du bruit en bas, savoir que je peux rester au chaud mais que la vie continue.
Mon inscription au CRPE finalisée, on remet le couvert ! J’ai enfin mon carton de bouquins, il va falloir s’y remettre sérieusement maintenant.
Prendre un moment pour cuisiner, un moment juste à moi, qui fait du bien.
Revoir mon ami T., se dire qu’il y a peu, il n’était pas dans ma vie, et me dire que j’aurais manqué quelque chose s’il n’y était pas rentré.
Les messages de groupe non stop avec les copines, dont une est à New York (la veinarde !!), partager tout, malgré les kilomètres.
Revoir mes collègues et mon ancienne école, certains de mes anciens élèves. Une bouffée de nostalgie de revoir cet endroit où j’ai passé des moments tellement forts…
Recevoir un message de C., qui est partie de Paris et qui me manque tant, qui me fait rire en me racontant comment elle imite Katniss dans les bois de sa campagne pour communiquer avec les geais moqueurs. Un petit message drôle, et pourtant si touchant, ce sont ces petites choses qui signifient ce qui est précieux.
Il y a tant d’amour à donner à tous ces gens qui nous entourent, je ne cesse de me le dire.
Et puis une jolie soirée pour faire passer le blues du dimanche soir. Et un ciel flamboyant, lundi matin, tôt, comme je n’en avais jamais vu sans doute, qui fait oublier qu’on est lundi, qu’il faut aller travailler, que j’étais en retard…Non, tout cela n’avait plus d’importance. Un instant si rare que finalement, aucune photo ne lui rendrait justice.
Bientôt, ce seront les vacances, une pause, une respiration, et puis je vois mes élèves qui progressent déjà. C’est dur, car certains ont de grosses difficultés, et ils n’écoutent pas toujours, mais on va se battre ensemble. J’ai envie d’avoir confiance en l’avenir.
Elle se joue en boucle dans ma tête en ce moment, avec cette ritournelle : « There is a light, and it never goes out ».
La lumière était si belle le jour où j’ai pris cette photo, des marguerites cueillies dans les talus en Normandie, alors qu’on avait arrêté la voiture précipitamment. Je préfère mille fois les fleurs sauvages, qui poussent comme bon leur semble dans l’hostilité, à leurs soeurs plus sophistiquées qui ont besoin de plus d’attention.
Je pensais que revoir cette photo me rendrait triste, mais non, elle m’emplit de joie, de savoir qu’une chose aussi simple et évidente que la lumière du soleil qui rentre par la fenêtre peut créer un sentiment si profond de bien-être.
Il y a toujours une lumière, qui vacille un peu par moments, mais qui, je le sais maintenant, jamais, jamais ne s’éteint.